Shortlisted - Paris Photo–Aperture PhotoBook Awards - 2025
Shortlisted - Prix Unique du Livre - 2025
Nominated - Prix Bob Calle du livre d’artiste - 2025
Shortlisted - Rencontres Luma Dummy Book Award - 2024
Design : The Light Observer / Eleonora Paciullo & Hugo Berger
EN
Bianco Ordinario resembles an archaeology of imagination, where our representation of marble and the famed Carrara quarries, exploited for 2,000 years, moves away from cultural myths to embrace a critical poetry of the Anthropocene. Photography here tests its physical limits, much like the industrial extraction of marble powders, which now depletes the site and calls for a transformation of our idealized vision of marble. This merging of the materiality of images with the degradation of a resource invites a new aesthetic of ruin.
By using packaging patterns collected by the artist, as a singular figure of cutting on which the image will take shape, the aim is to redefine the functionality of a container. Initially designed for packaging products containing marble powder (calcium carbonate) such as cosmetics, medicines, or even food products, these supports now assert themselves as objects and fields of inscription whose materiality determines the nature of their dialogue with the image. More than a background, more than a surface, the pattern is an imaginal configuration. Its edges, like its gaps, create an image composed of absences and margins in detours; it is a fragment inscribed within a system destined to form a whole.
This is to say, and to remind us, that the use value of packaging – to fold at certain points to be assembled into a container – is here affirmed as a potentiality. The object is nonetheless preserved in a latent state, flat or rather unfolded, since it is a product of recovery. The volume it once had and might become again exists as the temporal off-frame of the artwork. The printed image inherits a spatial potential in its very cut. The argument is clear: these images are printed on a structure generated by the circulation of goods: the cardboard packaging, an elemental particle of consumerism. Typically, this packaging bears the imprint of brands, images of the contained product, but here it is di(re)verted into the subjectile of the artwork.
Indeed, the photographer’s exploration of all facets of marble powder production provides the iconography and thus fully reveals its meaning. Views of the site, workshops, details, sculptures, extraction archives… all form a kind of fragmented cartography of an industry that hides a whitening agent beneath the mythical halo of marble. The poetic universe is constructed in the atmosphere of ruins: the upcycling of discarded and “contaminated” packaging borrows from the beauty of ancient fragments. This is precisely what the viewer of the Bianco Ordinario corpus senses: partial representations whose structure’s geometry no longer seems able to promise full reassembly. Each piece is thus part of an archaeological puzzle of the industrial world, resonating with distant echoes of our imaginary antiquity.
The supporting sheets, which serve to hold the packaging during printing, are themselves covered with multiple ink passes, just as the surface of the workbench is marked by tool strokes. The artist chooses to make these martyr surfaces the counterpoint to the images printed on the packaging. These macules are a memory, the negative imprint of the images and their frame, a palimpsest that recalls the idea of multiplicity, of which the packaging-artworks, now unique, remain the bearers. We can describe, borrowing from Robert Smithson’s phrase, Bianco Ordinario as a collection of “ruins in reverse,” because the entire capitalist process is reversed and physically, as well as symbolically, associated with the imaginary of ruins.
Michel Poivert
FR
Bianco Ordinario s’apparente à une archéologie de l’imagination, dans laquelle notre représentation du marbre et de ses fameuses carrières de Carrare exploitées depuis 2000 ans s’éloignent des mythes culturels pour s’ouvrir sur une poésie critique de l’anthropocène. La photographie éprouve ici ses limites physiques comme l’extraction industrielle des poudres de marbre, qui désormais épuise le site, appelle à une transformation de notre vision idéalisée du marbre. Cette conjugaison de la matérialité des images et de la dégradation d’une ressource invite à une nouvelle esthétique de la ruine.
En se servant de patrons d’emballage collectionnés par l’artiste, comme d'une figure singulière de découpe sur laquelle l’image va prendre forme, il s’agit de redéfinir la fonctionnalité d’un contenant. Initialement dédié à l’emballage de produits contenant de la poude de marbre (carbonate de calcium) tels que les produits cosmétiques ou de médicaments ou bien encore de denrées alimentaires, le support s’affirme désormais comme objet et comme champ d’inscription dont la matérialité détermine la nature du dialogue avec l’image. Plus qu’un fond, plus qu’une surface, le patron est une configuration imageante. Ses bords comme ses trouées font une image composée de manques et de marges en détours, elle est fragment inscrit dans un dispositif appelé à former un tout.
C’est dire et rappeler que la valeur d’usage de l’emballage - se plier en certains points pour s’assembler en un contenant - est ici affirmé comme potentialité. L’objet est toutefois conservé dans un état latent, à plat ou plutôt déplié puisqu’il est produit d’une récupération. Le volume qu’il fut et qu’il est susceptible de redevenir est le hors champ temporel de l’œuvre. L’image imprimée hérite d’un potentiel spatial dans sa découpe même. Le propos est affirmé : ces images sont imprimées sur un dispositif généré par la circulation des marchandises : le carton d’emballage comme particule élémentaire du consumérisme. Ce dernier reçoit habituellement l’impression de marques, d’image du produit contenu, il est ici dé(re)tourné en subjectile de l’œuvre.
Car l’exploration de toutes les facettes de la production de poudre de marbre par la photographe fournit l’iconographie et prend dès lors tout son sens. Vues du site, d’atelier, de détail, de sculptures, d’archive de l’extraction... forment une sorte de cartographie éclatée d’une industrie de l’agent de blancheur dissimulé sous l’auréole mythique du marbre. L’univers poétique se construit ainsi dans l’atmosphère des ruines : le surcyclage des emballage déchus et « contaminés » empreinte à la beauté des fragments d’antiques. Car c’est bien ce que le spectateur du corpus Bianco Ordinario ressent : des représentations parcellaires auxquelles la géométrie de la structure semble ne plus pouvoir promettre de se recomposer complètement. Chaque pièce est ainsi celle d’un puzzle archéologique du monde industriel résonnant des lointains échos de notre imaginaire de l’antique.
Les feuilles supports qui servent à accueillir l’emballage lors de l’impression se recouvrent, elles, des multiples passages d’encre comme la surface de l’établi se marque des coups d’outils. L’artiste décide de faire de ces surfaces martyres le contrepoints des images imprimées sur les emballages. Ces macules sont une mémoire, l’épreuve en creux des images et leur cadre, le palimpseste qui rappelle l’idée du multiple dont les emballages-œuvres désormais uniques restent porteurs. On peut qualifier, en reprenant la formule de Robert Smithson, Bianco Ordinario de collection de « ruines à l’envers », parce que tout le processus capitaliste est retourné et associé physiquement autant que symboliquement à l’imaginaire des ruines.
Michel Poivert